C’est le signal lancé lors des échanges ce 16 août 2025 entre les membres Bia Bia Ekang, association culturelle et communautaire dont le désir profond est de préserver, de valoriser et de transmettre l’héritage ancestral des peuples Ekang du Cameroun, du Gabon, de la Guinée Équatoriale et de la diaspora.
L’une des particularités de la culture est la transmission orale des éléments culturels d’une génération à une autre. Autrefois, les lieux de communication naturelle et par excellence des contenus culturels étaient: la cuisine à travers l’art culinaire traditionnel; la rivière à travers la pêche traditionnelle; la forêt par les travaux champêtres, la chasse, la pharmacopée, la géographie, l’orientation; les cours de cérémonies (mariages, deuils, initiations); les veillées autour du feu. Mais de nos jours, avec l’urbanisation, l’école occidentale, la mondialisation et le numérique, ces lieux sont désormais devenus insignifiants culturellement. «Comment renouveler ces lieux de transmission sans les trahir, mais en les adaptant à notre époque ?» Telle est la question centrale posée aux membres du groupe Whatsapp général de Bia Bia Ekang ce samedi soir du 16 août 2025. Georges Mvoandji, l’animateur, à travers cette question, vise à faire revisiter les lieux traditionnels de transmission culturelle et à les confronter aux réalités actuelles.
Avant de donner la parole aux membres de l’association Bia Bia Ekang, Georges Mvoandji, dépeint ces écoles traditionnelles de transmission des éléments culturels. Selon lui, la cuisine est l’école de la mémoire et du partage. Ce lieu traditionnel de communication est loin d’être celui où on fait uniquement la préparation et la cuisson des aliments. «La cuisine était une salle de classe vivante. On y apprenait des recettes, des interdits alimentaires, des rituels liés aux repas», a-t-il déclaré. L’animateur tient à assurer qu’autour du feu de cuisine, se transmettaient des valeurs telles que: la patience, l’organisation et la solidarité. Pour lui, «cuisiner, c’est nourrir une communauté, par conséquent un acte éducatif et social». Les veillées autour du feu sont de véritables espaces de pédagogie par l’oralité. «On y racontait des contes, des légendes, des épopées, en transmettant le courage, la ruse, la fidélité et le respect», a-t-il mentionné. Georges Mvoandji informe le public par la suite que les veillées sont des lieux de la mémoire collective et de socialisation culturelle.
Autre moyen de transmission orale des contenus culturels, les cours des cérémonies de mariage, de deuil, d’initiation ou d’intronisation. Dans cette forme d’école, les proverbes sont les éléments culturels mis en exergue. Les proverbes jouent un rôle crucial dans la transmission de la sagesse, des valeurs culturelles et des enseignements moraux. Ils servent de guide pour la vie quotidienne, offrent des conseils pratiques et renforcent la cohésion sociale en partageant des vérités universelles. L’animateur a également statué sur les rites. Selon lui, les rites forment l’école de la responsabilité. Car, ils interviennent dans le passage de l’enfance à l’âge adulte pour transmettre à l’individu des savoirs spirituels, sociaux et pratiques. Les rites enseignent la maîtrise de soi, des secrets du clan, des responsabilités civiques et morales. «Les rites sont une source d’identité, d’appartenance et de cohésion communautaire», affirme l’animateur. La forêt est également décrite par Georges Mvoandji dans le préambule des échanges. Il confie que c’est un espace d’apprentissage pratique à l’initiation spirituelle où l’homme est en relation avec la nature et les forces invisibles.
Contributions
À la suite des propos de Georges Mvoandji, les membres du groupe Whatsapp de Bia Bia Ekang ont été nombreux à partager leurs expériences de transmission orale des éléments culturels. Mais des constats partagés font état d’un abandon collectif de ces cadres traditionnels de communication culturelle au profit de la modernité. Pour pallier à cela, il importe de «renouveler ces écoles traditionnelles de sagesse». Mais de l’avis de tous, la tâche est ardue pour une adéquation face aux réalités présentes. Car à l’époque actuelle, la jeunesse d’aujourd’hui, surtout des zones urbaines, est peu soumise à ces formes de transmission traditionnelle. À la préoccupation de savoir pourquoi des personnes apprennent ces connaissances culturelles de moins en moins, l’urbanisation et l’exode rural sont pointés d’un doigt accusateur. Les membres de Bia Bia Ekang ont évoqué entre autres l’école occidentale qui supplante nos espaces de transmission traditionnelle. L’abandon progressif des langues nationales, la stigmatisation culturelle et religieuse, la mondialisation, les médias… sont les maux qui créent une rupture intergénérationnelle entre les anciens et les jeunes. Les anciens qui étaient jadis des piliers de la mémoire et de la sagesse. Les jeunes d’aujourd’hui sont dépeints comme étant plus individualistes, anxieux, connectés massivement dans les réseaux sociaux et influencés par la technologie.